Once upon a time in Mongolia
Sain bain uu!!
Nous voici deja a la fin de notre periple mongol, qui n’est pas evident a raconter, au vu de la multitude des experiences et de la richesse des rencontres effectuees… Mais, a l’intrepide, rien d’impossible !
Ulaan Baatar, bien plus qu’un camembert bleu au Trivial Pursuit :
A notre arrivee, nous sommes frappes par l’empreinte sovietique laissee a Ulaan Baatar. Le cœur de la ville en temoigne amplement : s’y trouvent une grande place carree, bordee de batiments massifs et, selon toute apparence, concue pour les defiles militaires, ainsi que la statue et le mausolee (etonnement semblable a celui de Lenine) de Sukhbaatar, qui, en 1921, decrocha l’independance mongole (alors sous la coupe chinoise), au prix de la sujetion du pays a l’ideal communiste. C’est d’ailleurs a cette epoque que le PC rebaptisa la capitale mongole du nom d’Ulaan Baatar, ou « Le heros rouge ». Pourtant, a la peripherie des HLMs sovietiques, la ville merite encore son ancien nom d’ « Urga », qui signifie litteralement « Camp » : sur les collines, les gers (ou yourtes) s’accumulent au fur et a mesure que les nomades se sedentarisent, attires par l’illusion d’une vie moderne et confortable.
Par ailleurs, depuis la chute du communisme, d’anciennes croyances et traditions, longtemps opprimees, refleurissent, telles que le bouddhisme tibetain (dont les superbes temples reprennent peu a peu du service) et certaines pratiques chamanes, toujours bien vivantes. Enfin, un veritable sentiment de fierte nationale se cristallise autour de la figure de Chinggis Khan (Genghis Khan), omnipresent, des noms de bieres aux noms de rues.
Le Naadam, ou les Highland games de Mongolie :
Un peu par hasard, nous debarquons en Mongolie en plein cœur du Naadam : trois jours de jeux et de fetes continues, ou s’affrontent les meilleurs chevaux/cavaliers, archers et lutteurs du pays. Nous prenons donc le chemin du stade, ou se deroule le tournoi de lutte sous un soleil de plomb. Comment vous decrire un lutteur mongol ? Imaginez un geant bati comme une armoire a glace, en bottes de cuir a pointes recourbees, jambes nues, slip minimaliste bleu roi orne de broderies (on a pas ose regarder de trop pres), torse nu encadre de manches rouges (broderies coordonnees) et petit bonnet pointu. Neanmoins, l’habit ne fait pas le lutteur : habillez Chris de la meme tenue et vous aurez un vrai tue-l’amour. L’issue d’un combat est determinee par un subtil dosage entre puissance et technique. Le vainqueur , acclame par la foule, contourne alors les emblemes des 9 provinces mongoles, en imitant a plusieurs reprises le vol de l’aigle. Si vous avez toujours Chris en tete et qu’il fait la mouette, evacuez immediatement cette vision d’horreur !
Fascines par un tel spectacle, nous ne voyons pas arriver une tempete de sable digne du Sahara. En un instant, le vent et ses tourbillons de poussiere balaient le stade et la foule, juste avant de ceder la place a un orage de legende, qui deverse des trombes d’eau, puis d’enormes grelons ! Dans l’arene, tout s’arrete, mais le spectacle continue dans les gradins, ou la foule, hilare et prise au depourvu, deploie les parapluies et une solidarite sans pareil. Dans la cohue, nous echangeons sourires, mouchoirs et provisions avec nos voisins, dont la gentillesse et la spontaneite resteront dans nos memoires.
Les transports mongols, un casse-tete chinois pour les backpackers belgo-ecossais :
Apres quelques jours dans la capitale, malgre les avertissements de certains mongols bien intentionnes, nous decidons de partir a la decouverte des steppes au moyen de transports locaux. Arrives de bonne heure a la gare routiere, nous trouvons rapidement un minivan en partance pour Karakorum (ancienne capitale de Chinggis Khan). Le depart devrait etre imminent, puisque tous les sieges sont deja occupes. Pourtant, le temps passe et les passagers continuent a affluer. Nous sommes tombes sur un champion de Tetris local ! En fin de compte, il nous faut attendre 6 heures, jusqu'à ce que le conducteur soit satisfait de son score de 17 personnes dans un van de 9 places. C’est ce qui s’appelle « se meler » a la population. Au bout de 8 heures de piste, nous arrivons a destination, ou , contre toute attente, il n’y a plus de transport en commun : pour voyager d’une region a une autre, il faut repasser par la capitale. Dans notre infinie sagesse, nous decidons donc de minimiser les trajets et de nous concentrer sur un programme d’ecotourisme local. Pour rallier le point de depart, nous faisons du stop, et nous nous entassons a 7 dans une voiture pour un trajet ponctue par une crevaison, a l’image de tous les deplacements que nous ferons par la suite (nous pourrions aussi vous raconter, entre autres, comment nous avons pousse un minivan trop peu puissant pour franchir un col et comment nous nous sommes retrouves a marcher loin derriere le van a deux heures du mat pour une poignee de kilometres de dure grimpette).
Ger-to-Ger, le cœur de notre experience mongole :
En deux mots, cette toute jeune ONG permet, pendant 7 jours, de voyager de famille nomade en famille nomade ou de ger en ger et, donc, de nous immerger completement dans ce mode de vie. Chaque jour, un membre de la famille nous guide a travers les steppes, vers la famille suivante a cheval ou en charrette a Yack.
- La ger, un monde en soi, ou chaque chose trouve sa place :
L’entree est toujours orientee vers le sud, alors qu’au nord, se trouvent l’autel des ancetres, les objets precieux, les photos de famille. Le maitre des lieux s’assied toujours a ses cotes. L’ouest est reserve aux selles, et le nord-ouest aux invites. L’est est le quartier des femmes et des ustensiles de cuisine (en gros pas besoin de boussole en Mongolie). Au centre, entre les deux piliers qui soutiennent la ger et relient la terre au ciel, trone le foyer : un poele dont la cheminee sort de la tente par un orifice, qui laisse aussi entrer la lumiere et peut etre obstrue en cas de pluie. Les comportements sont eux aussi fortement codifies : on entre toujours du pied droit dans une ger et ce, sans en pietiner le seuil (ce qui equivaut a pietiner la nuque du maitre des lieux). On n’entre pas non plus avec un baton a la main, ce qui signifie, grosso modo, « vous etes tous des chiens ». Dans la ger, la tenue correcte est de rigueur : manches longues et chapeaux sont apprecies. Il est interdit de passer entre les piliers de la ger, ainsi que de rester debout : il faut s’asseoir (par terre, sur un lit ou sur un petit tabouret) pour montrer que l’on apprecie l’accueil. Retirer son chapeau signifie que l’on voudrait y passer la nuit. Le foyer, et surtout le feu qu’il contient, doit inspirer le plus grand respect, afin de ne pas froisser l’esprit qui y reside : on ne pointe donc pas la semelle des ses bottes dans sa direction, tout comme il serait tres inconvenant d’y jeter des dechets.Enfin, veritable defi pour Marianne (qui a subi un entrainement pousse dans le transsiberien –« donne la pa-patte… »), les objets et la nourriture se recoivent et se prennent de la main droite, coude soutenu de la gauche. Autant vous dire que, au debut, avec toutes ces regles, on a l’impression de faire une bourde a chaque battement de cil.
- L’hospitalite mongole n’a pas de limites :
L’arrivee dans une famille est toujours un moment tres particulier : tous se rassemblent dans la ger et nous sommes invites a nous installer en bonne place. Nous ne tardons pas a recevoir un bol de « sute-tsai » (the au lait chaud sale) ou d’ « airag » (lait de jument fermente qui, a notre humble avis, presente une petite ressemblance avec la gueuze artisanale), ainsi qu’un morceau de fromage genereusement tartine de beurre cremeux (« urum »). Nous sommes vraiment au centre de l’attention et il nous appartient de briser la glace. Nous nous presentons a l’aide de quelques mots de mongol appris sur le tas ( l’anglais est absolument inutile) et nous montrons des photos de nos familles ou de notre mariage, qui sont recues avec enthousiasme. Le point-it (petit fascicule d’images) de JB et Annick est aussi tres utile et suscite beaucoup de curiosite. Le contact est particulierement facile avec les enfants, avec lesquels nous echangeons chants (« dans ma maison un grand cerf » rencontre un franc succes ici), concours de grimaces (Marianne gagne a tous les coups !), jeux tels saute-mouton, 1-2-3 soleil, etc. Le soir, nous partageons le repas des nomades. Nous avons ainsi deguste les nouilles au mouton, le riz saute au mouton, le bouillon de mouton, l’os de mouton et ainsi de suite. Chris ronge maintenant les os comme personne et Marianne mange tout son gras, incroyable mais vrai. Apres le diner (mais aussi avant et pendant), la vodka mongole est de rigueur. Distillee « maison » a partir de lait de jument, elle se boit avec respect (trois bols minimum) apres avoir offert une goutte au ciel, une au foyer et une a la terre … Apres quoi, nous faisons semblant d’etre ivres, ce qui les fait rire aux eclats. Nous participons a la soiree en chantant quelques melodies bien de chez nous, alors que certains anciens nous font parfois l’honneur et la joie d’entamer un morceau de « chant long ». Il arrive aussi que le maitre de maison nous propose de priser dans sa tabatiere, geste de bienvenue tres apprecie.
- Le quotidien des nomades :
Tot le matin, les femmes s’occupent de la confection des produits laitiers, apres avoir trait les yacks (sarteks), les chevres et les juments. Marianne s’en donne a cœur joie, courant derriere un yack qui refuse de se laisser traire par une jolie blonde. Face a sa mine deconfite, les nomades, hilares, lui proposent une bete plus a sa mesure, une chevre ! Marianne participe aussi a l’elaboration du fromage, et Chris commence a redouter serieusement l’elevage de chevres a Bruxelles. Quand il est frais, ce fromage est un pur delice. D’ailleurs les faucons ne s’y trompent pas puisqu’ils piquent regulierement sur les gers pour en attraper quelques-uns en guise d’akouskis.
Mais alors, nous direz-vous, que fait Chris pendant ce temps-la ? Le pere de famille vient le trouver et lui glisse le seul mot d’anglais qu’il doit connaître, « business », et l’attire a l’abri des regards dans la ger. En effet, il a apercu ses jumelles et lui propose un troc : les jumelles contre un cheval et une tabatiere. Honnete, non ? Quand ils ne troquent pas, les hommes s’occupent principalement des chevaux, ainsi que de conduire les moutons et les chevres vers de verts paturages. La tache n’est pas de tout repos, car des loups attaquent regulierement les troupeaux. Ainsi, un soir, un etalon rentre au campement avec une morsure de 5 centimetres de diametre. Pour le soigner, 3 hommes le maintiennent a terre pendant que le quatrieme nettoie a l’eau la plaie saignante. A l’aide d’une pince, il extrait ensuite de gros vers blancs loges dans la blessure. Ca grouille. Enfin, il cauterise avec une poudre blanche (sorte de chaux). Le cheval ne bouge plus, completement etourdi. De retour dans la ger, quelqu’un allume alors une petite bougie sur l’autel, juste devant une statuette de cheval. Elle brulera toute la nuit. Quant a nous, pelotonnes dans nos sacs de couchage sous la tente, nous guettons longtemps les hurlements des loups, pas tout a fait rassures.
C’est dans cet etat d’esprit que nous subissons, a travers la tente, les marques d’affection des chevres, des yacks et des chiens. Ainsi, un matin, un bouc s’eprend tellement de la tente qu’il la deforme completement et pietine Chris au passage.
- Chris et Marianne, « steppe by steppe » :
Voici la reponse a la question qui est sur toutes les levres : mais comment donc nous sommes-nous deplaces de ger en ger ? Les deux premiers jours, encore jeunes et insouciants, nous montons a cheval. Galoper a travers les steppes procure une sensation de liberte hors-du-commun. L’experience est enivrante. A un tel point que nous en oublions que nous sommes assis sur des selles mongoles, faites de bois, avec des rivets en fer. Ces selles s’averent progressivement de veritables instruments de torture et mettent nos fesses a feu et a sang. Au milieu du deuxieme jour, vu nos plaies, nous decidons de poursuivre a pied, chose inconcevable pour un mongol (tiens tant qu’on y pense, un autre instrument de torture mongol est un simple petit tabouret de bois sur lequel on vous invite serieusement a rester assis des heures durant, combine avec les effets de la selle mongole, autant s’asseoir dans du sel…).
Plus tard, nous rencontrons un nomade tres comprehensifs (normal vu les mimiques et les gestes eloquents de Chris) qui nous propose de nous emmener sur sa vieille moto russe. Easy riders dans un decor a couper le souffle, nous voici a trois, plus les quatres sacs, sur cet ancetre. Memorable !
Autre exemple, le sixieme jour, alors que nos intestins succombent finalement a l’epreuve qu’ils endurent, voici qu’on nous propose gentillement de nous deplacer en charrette a yack. Cramponnes a une litiere faite maison, nous voici aux premieres loges, c’est-a-dire a quelques 40 centimetres - dans les meilleurs moments – du puissant posterieur (le mot est faible) de notre ami le yack. Commence alors un veritable cauchemar, puisque le roulis et les chocs s’ajoutent a cette vue imprenable (dolby stereo surround parfum compris) sur le Yack, qui nous flagelle sans cesse de sa queue pour chasser les nuages de mouches. Apres ca, on a tout vecu !
En trois semaines, nous avons vecu dix milles aventures et il nous faudrait autant de pages pour les raconter. Entre paysages insolites et grandioses, belles rencontres et decouvertes passionantes, la Mongolie et ses habitants nous laissent un souvenir imperissable.
Bayartaaaii a tous,
Marianne et Chris