lundi, novembre 14, 2005

Kangding - Tagong - Litang - Xiangcheng - Zhongdian - Qiaotou - Haba - Baishuitai - Lijiang - Dali - Kunming

Tashi dele!

Fin octobre, nous avons passe le cap du half-time, qui fut bien sur celebre dignement! Le temps s'est envole et nous etions tellement absorbes par nos peregrinations que nous ne l'avons pas vu passer. Ces dernieres semaines, nous avons poursuivi notre route vers l'ouest, dans la province tibetaine du Kham, jusqu'a Litang, ou nous avons bifurque plein sud pour rejoindre le Yunnan et ses nombreuses minorites ethniques.
Les randonnees furent mises a l'honneur, que ce soit dans les prairies de Tagong (altitude: 3700 m), ou nous avons croise des troupeaux de yacks impassibles et fixe les aigles dans le blanc des yeux, avant de rejoindre un petit village tibetain adosse aux pieds de la majestueuse montagne Yara, ou bien a Litang (altitude 4680 m), ou nous avons eu le souffle coupe, dans tous les sens du terme, en nous balladant dans cette petite ville du bout du monde. Plus loin, depuis les corniches des Gorges du Saut du Tigre, nous avons observe les bouillonnements du Yangzi, contraint entre deux mastodontes de plus de 5000 m d'altitude, avant d'evoluer dans la vallee de Haba, couverte de cannabis et peuplee de minorites Naxi, Yi et Hui, aux larges sourires. Nos pas nous ont menes jusqu'a Baishuitai et ses terrasses calcaires, avant de redescendre vers Lijiang. De la, nous sommes sortis des sentiers battus pour rejoindre le lac Wenhai, paradis ecologique perdu en contrebas de la montagne du Dragon de Jade. Enfin, dans les alentours de Dali, nous avons pris un malin plaisir a quitter la ville et a nous perdre dans les villages, leurs marches, et les campagnes qui bordent le lac de l'Oreille.
Toutes ces randonnees nous ont ravis, mais seraient trop longues a raconter ici. Cette fois, nous preferons donc vous livrer une serie de breves et de moments insolites qui ont ponctue notre quotidien.

Anaconda ou la puissance de l'imagination:
A plusieurs reprises, aucours de ce voyage, nous avons pris le bus en compagnie d'animaux de tous poils/plumes. Ce jour-la, nous quittons l'Emei Shan pour nous rendre a Kangding, lorsqu'un homme jette dans l'allee du bus un gros sac de jute blanc. Au bout de quelques minutes, nous nous rendons compte que son contenu fretille et serpente etrangement. A cette vue, le sang de Marianne se glace instantanement et elle ne peut s'empecher de penser a cette vipere brune evitee de justesse la veille, ainsi qu'a tous ces serpents grilles que l'on peut deguster sur brochette dans les marches. C'est evident, ce sac ne peut qu'etre rempli de vindicatifs reptiles au venin foudroyant. Marianne ramene prudemment ses pieds sur son siege, a l'idee de ce qui pourrait arriver si le sac se dechirait. D'autant plus qu'a chaque arret, les passagers pietinent le sac en montant et en descendant du bus, semant la panique et l'agitation parmi ses occupants. Soudain, c'est l'horreur! Ce que Marianne craignait arrive: le sac finit par ceder et une des betes s'en echappe! Marianne ferme les yeux et serre les dents... Le drame se denoue enfin quand Chris lui annonce que le terrible monstre n'est qu'une pauvre petite anguille. Vive l'imagination!

Black Tent:
A la fin d'une randonnee dans les prairies de Tagong, nous sommes interpelles par un nomade tibetain, alors que nous passons non loin de sa tente. Celle-ci se distingue de la ger mongole par sa couleur - noire - et par sa forme - rectangulaire -, arrimee par des dizaines de piquets et de tendeurs.
Nous voici bientot dans sa tente, en compagnie de sa femme, de son fils de cinq ans et d'une douzaine de jeunes veaux. Son epouse est superbe: vetue d'une robe traditionnelle tres coloree, elle tresse des brins de laine rouge dans ses cheveux noirs, ornes de bijoux d'argent, de corail des montagnes et de corne.
Habitues aux tentes mongoles, nous constatons avec surprise le depouillement de cette habitation: pas de poele, un sol d'herbes pietinees. La tente ne comporte qu'une paillasse, quelques couvertures et des selles soigneusement rangees en ligne. Nous passons un excellent moment en leur compagnie, a rire et jouer avec le manneke, qui sort son plus beau veston (d'aviateur miniature) pour se faire photographier. Nous sommes ravis par un bol de lait frais et par leurs magnifiques sourires, avant de les quitter en leur laissant une photo, quelques biscuits et toute notre amitie.

Litang, carrefour ethnique:
Nous nous postons a un carrefour de Litang, petite ville de l'Ancient Tibet, adosses a un panneau de signalisation. Pour une fois, nous ne marchons pas et restons immobiles. La ville et ses habitants nous apparaissent alors sous un jour nouveau. Nous nous fondons dans le paysage (dans la mesure du possible ;-) ) et voyons passer toute la diversite de Litang: les femmes Han (ethnie majoritaire en Chine) en jeans moulant et hauts talons, les moines drapes de rouges et singulierement casques de jaune, les femmes tibetaines, colorees, bijoutees, aux coiffures extraordinaires, ainsi que les hommes tibetains, avec leurs bonnets ou leurs magnifiques chapeaux doubles de renard (un peu a la Davy Crockett, mais version haut de forme). Ils portent souvent de grosses lunettes de soleil carrees, qui les font etrangement ressembler a la caricature de Marcel Gotlib! L'un d'eux, en particulier, porte le grand manteau brun-rouge, double de peau de mouton, avec lunettes, dents en or et somptueuse coiffe de renard, retenue par deux rubans, rose fuschia et vert vif. Il s'arrete pour nous observer, nous parler et complimenter la barbe de Chris... Quel plaisir quand la curiosite est partagee!

Le Grand Blanc:
Nous rencontrons a Litang un Polonais qui voyage depuis sept ans sans etre jamais rentre chez lui. Ce baroudeur, sorte de "Grand Blanc" des backpackers, a fait plusieurs fois le tour du monde et a meme pris le loisir de retourner aux endroits qui lui avaient particulierement plu. En cours de route, il est devenu photographe et il a pris l'habitude de toujours s'habiller a la maniere des locaux, pour se meler a eux avec plus d'aisance. En l'occurrence, ce jour-la, il porte le long manteau des nomades tibetains. Mais est-il reellement passe partout? Presque... quelques irreductibles resistent encore. Par exemple, Madagascar manque a son palmares et nous nous faisons une joie de lui decrire les beautes de ce pays.

"Is there anybody out there?"
A Xiangcheng, nous visitons la lamaserie qui surplombe la ville, accrochee a flanc de montagne. Apres avoir passe l'entree, gardee par un elephant blanc, un tigre et un lion, nous penetrons dans une vaste cour pavee, que seul semble habiter le carillon de quelques cloches balottees dans le vent. Le temple principal est aussi solennel que vide (si ce n'est un Bouddha qui ressemble etrangement a Mister Bean), et nous nous demandons ou peuvent bien etre les nombreux moines censes peupler cet endroit.
Nous en profitons pour ceder a la tentation de gravir les escaliers derobes qui s'offrent a nous. Peu a peu, de pieces en chambres, nous parcourons ce dedale ou ne s'entendent que le bruit de nos pas et les craquements des marches sous nos bottines. "Is there anybody out there?" Nous nous surprenons a chuchoter comme des enfants dans un chateau hante. Soudain, au detour d'une echelle, nous voici sur les toits du temple, surpris et eblouis par la lumiere. Une vue epoustouflante s'offre a nous, sur toute la vallee et les montagnes environnantes.
Une fois nos yeux rassasies, nous reprenons le chemin inverse, toujours a pas feutres, en se donnant des petits coups de coude et en riant sous cape. Retour en enfance garanti!

Vive les maries!
Toujours a Xiangcheng, en passant devant le plus bel hotel du coin, nous avisons une foule de badeaux et nous joignons a eux, pour apercevoir deux familles formant une haie d'honneur devant la porte principale, pour encadrer deux jeunes maries. Nous les reconnaissons immediatement aux echarpes blanches qu'ils portent autour du cou. La mariee, coiffee et maquillee, porte une longue robe rouge bouffante. Sa physionomie, ainsi que celle de sa famille, et la couleur de sa robe, indiquent qu'elle est Han. Nous nous rejouissons alors de constater que son mari est, lui, Tibetain. La haie d'honneur est donc tibetaine a gauche, han a droite! Gardons a l'esprit l'image et l'espoir de cette alliance.

Maestro, music!
Notre musique nous manque! Nous nous surprenons souvent a fredonner un petit air bien de chez nous. Pourtant, meme si de temps a autres, nous envions les backpackers armes d'Ipod et d'autres lecteurs MP3, nous ne regrettons pas cet oubli volontaire, parce qu'il nous permet d'etre plus a l'ecoute, que ce soit par rapport aux prieres bouddhiques des uns, aux chants traditionnels des autres, aux seances de karaoke dans les bus (meme si ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus melodieux!), aux discussions a batons rompus, aux disputes, aux rires... Autant d'elements qui composent tout un paysage sonore.

Aux premieres loges:
Le jour-meme ou nous levons nos verres en l'honneur du half-time, nous nous retrouvons assis a la meme table qu'un jeune couple de Britanniques chuchotants. Peu a peu, nous nous rendons compte, bien malgre nous, que nous sommes en train d'assister a une demande en mariage des plus rejouissantes. Que d'emotions a l'autre bout de la table... qui nous replongent dans nos souvenirs de veterans ;-). En secret, souhaitons leur beaucoup de bonheur (pas sur qu'ils auraient apprecie qu'on leur fasse une grande claque dans le dos!).

Le comble du backpacker frigorifie:
Ce dernier mois, l'altitude nous a soumis a des temperatures franchement fraiches! Considerant que, ni les chambres ni les douches (quand il y en a), ne sont chauffees, et que, par souci d'accueil, les portes des restos et autres bouibouis restent systematiquement ouvertes, vous pouvez imaginer notre joie a la decouverte d'une douche chauffee par panneaux solaires dans la vallee d'Haba (Gimme gimme gimme a man after midnight...). Apres une belle apres-midi ensoleillee, Chris ouvre donc le bal et se dirige en sifflotant vers l'objet de sa convoitise. Toutidoutidouuu... Au bout de quelques minutes, Marianne le revoit apparaitre, rouge comme un homard et couvert de savon: manifestement, cet homme s'agite et reclame une bassine d'eau froide! En fait, la douche est si brulante qu'il est impossible de rester dessous... O frustration sans limite!

Le petit monde de Miss Yang:
A Haba (Money money money, must be funny...), nous logeons dans une famille Naxi (prononcer Nachi), sous la houlette de Miss Yang. 37 ans et un caractere bien trempe, Miss Yang est un vrai tresor de bonne humeur, d'informations et d'initiatives: avec elle, nous apprenons la recette des natas (boulettes de fromage fris) et partons battre la campagne des environs pour rejoindre un village Yi, ou habite une famille amie. En chemin, elle interrompt regulierement la marche pour scruter la montagne enneigee d'Haba au moyen de nos jumelles: "Younger brother" est guide de montagne et s'y trouve depuis quelques jours deja. Nous partageons son enthousiasme lorsqu'elle nous indique trois petits points qui progressent la-haut, a une centaine de metres du sommet (5400 m).
Une fois chez les Yi, dans la famille Sha, nous voici accueillis a bras ouverts et presses de rester pour le dejeuner. La maison est construite en rondins de bois, et l'interieur, rudimentaire, est totalement noirci par la suie des feux successifs. Cette ambiance sombre, ou filtrent quelques rayons de soleil, contraste avec les joyeux vetements feminins: de longs jupons plisses, a larges bandes horizontales multicolores, ou dominent le rose, le jaune et le vert. La mere porte le signe distinctif des femmes mariees: une grande coiffe carree de velour noir, bordee d'un superbe galon vert. Dans un joyeux bavardage, nous partageons un repas de pommes de terre roties au feu (sans alu', bien sur), de pain et de crepes ameres, sur lesquelles les Yi tartinent un peu de sucre. Coup de coeur pour le petit monde de Miss Yang.

La Bruges de Chine:
Nous avons ete charmes par la vieille ville de Lijiang, ses ruelles pavees, ses canaux et ses petits ponts de pierre: tout un labyrinthe ou nous avons aime nous perdre avec application...

Keith Haring inspire par les Naxi? Une enquete de Christopher Holmes et Marianne Watson:
Le langage ecrit de la minorite Naxi (etablie a Lijiang), s'avere etre le dernier langage a base de hieroglyphes encore utilise de nos jours. Alertes comme nous le sommes (c'etait l'apres-midi), nous avons immediatement ete frappes par la similitude entre les pictogrammes naxi et les oeuvres de Keith Haring: une ligne pure, expressive, dynamique. Existe-t-il un lien quelconque ou est-ce simple affabulation de notre part? A suivre...

Treve de breves, pour le moment, nous faisons le plein d'energie a Kunming, avant de repartir vers le Vietnam... Apres quatre mois, ca va etre dur de quitter la Chine! Ce fut Fei Chang Hao!

Kenavo les poteaux!

Marianne et Chris