mercredi, janvier 18, 2006

Hanoi - Vientiane - Luang Prabang - Vientiane - Savannakhet - Pakse - Kiet Ngong - Champassak - Pakse - Don Det - Pakse

Sabaidii!

Autant vous avouer d'emblee que nous avons adore le Laos et ses habitants. Un sens de l'accueil exceptionnel et des sourires omnipresents - malgre une pauvrete certaine - , un gout prononce pour les petits plaisirs de la vie, ainsi qu'une ambiance hyper-detendue: autant d'elements qui rendent ce pays vraiment agreable a vivre. Le Laos, c'est toute une philosophie, issue du Bouddhisme Theravada. Les Francais de l'Indochine l'avaient deja compris, lorsqu'ils assuraient que: "Les Vietnamiens plantent le riz, les Cambodgiens le regardent pousser et les Laos l'ecoutent pousser". Durant trois semaines, nous avons donc ecoute la barbe de Chris pousser et notre rythme cardiaque s'est ralenti au fur et a mesure que nous descendions vers le Sud.
Apres une boucle vers Luang Prabang, l'ancienne capitale du Royaume du Million d'Elephants, nous nous sommes rendus a Savannakhet, d'ou nous avons entrepris un memorable trek de plusieurs jours au pays des Katangs (que nous vous conterons dans une lettre a part, vu la densite de l'experience!). Ensuite, nos pas nous ont menes jusqu'a Pakse, camp de base pour diverses excursions vers Kiet Ngong, ou les elephants sont encore associes au travail quotidien, puis vers Wat Phu Champassak, mysterieux temple pre-angkorien, et vers les 4000 iles au beau milieu du Mekong, a la frontiere lao-cambodgienne.

Demi-lune a Luang Prabang:
De Luang Prabang, avec ses cabanes de bois sur pilotis et ses maisons aux arcades et aux balcons coloniaux, perdues dans une vegetation de bananiers et de bougainvilliers, se degage une paisible atmosphere de serenite intemporelle. Les ruelles etroites ou jouent les enfants, le marche, les echoppes, le peu de voitures: tout ici temoigne de la nonchalance tranquille du Laos. De nombreux wats (temples bouddhistes) parsement l'ancienne capitale bordee par le Mekong. Batis et decores tout en finesse, ils semblent tendre vers le ciel, vers le Nirvana atteint par les Bouddhas qu'ils abritent et dont le sourire est si communicatif.
Comme partout au Laos, la vie des moines, omnipresents, est ici etroitement liee a celle des habitants - il faut savoir que tout Lao est sense porter l'habit orange au moins quelques mois durant sa vie de jeune homme. Ainsi, tous les matins, a l'aube, les bonzes parcourent la ville en procession, en quete de nourriture. Quelques locaux s'agenouillent alors le long de la rue et leur presentent du riz. Cette bonne action leur assure une vie un peu meilleure apres leur mort.
Or, une apres-midi, nous passons devant un temple, lorsque deux jeunes moines, armes d'un enorme tambour et de cymballes, entament une sourde melopee au rythme soutenu, resonnant par dela les venelles. Intrigues, nous nous renseignons aupres d'un passant, qui nous explique que nous sommes jour de demi-lune et que, comme chaque fois a cette occasion (ainsi que pour la pleine lune), a 16 heures precises, les moines invitent la population a celebrer la lune. Ce jour-la, a l'aube, ce ne sont pas quelques fideles, mais la population toute entiere qui se leve avant le soleil pour leur offrir un peu mieux que l'ordinaire... du riz avec du sucre.
Ayant appris cela, Chris, curieux de verifier ce mythe, n'hesite pas a se lever a 5:15 le lendemain et a attendre de pied ferme des moines qui se manifesteront quasi deux heures plus tard (c'est ce qui s'appelle etre victime de la malinformation). Tout se passe tres rapidement, les ombres oranges sortent sans prevenir de la penombre d'une ruelle et avancent d'un pas decide, sans emotions, vers les fideles. Moment bref et insaisissable, moment precieux...

A la recherche des elephants perdus:
Ayant oui dire que le village de Kiet Ngong, a environ 60 km au sud-est de Pakse, abrite encore quelques elephants domestiques, nous decidons d'aller voir de plus pres ces animaux legendaires qui ont donne au Laos le surnom de "Pays du Million d'Elephants". Ce village se situe en bordure d'une reserve naturelle et aucun transport en commun ne s'y rend. Alleches par l'aventure, nous ne tardons pas a louer une mobilette. Bientot, un vent de liberte souffle sur nos visages (et nous balance pas mal de poussieres dans les yeux par ailleurs).
Nous empruntons d'abord une route macadamisee, bordee de villages et de gens charmants avec lesquels nous echangeons signes de la main et sonores "Sabaiiidii" emportes par la vitesse (tout de suite 60 km/h...). La route est relativement recente mais pas pour autant exempte d'obstacles: ici, personne ne dispose d'un permis de conduire et chacun ignore parfaitement tout code de la route. Les animaux sont aussi de la partie: quand ce ne sont pas de lourds buffles d'eau qui font inopinement irruption sur la route, ce sont les chiens, les poulets ou les canards dandinant qu'il nous faut eviter.
Les choses se corsent lorsque nous quittons la nationale pour emprunter la poussiereuse piste de laterite qui nous mene vers le village. Couverte de petits graviers rouges, elle s'avere traitresse, comme nous l'apprend un brusque coup de frein et un joli derapage plus ou moins incontrole. Prudence donc.
Peu a peu, nous approchons du village lorsque, presque sorti de nulle part, un enorme elephant s'avance sur la piste en sens inverse. Nous nous arretons, meduses, pour le voir passer. Nous sommes litteralement bouches-bees. Lourd, lent, seculaire, majestueux mais aussi menacant de par son grognement qui fait vibrer nos tripes, il nous domine. Un maigre cornac a barbiche blanche et au large sourire edente est perche sur son cou; les pieds derriere les oreilles, il le dirige a l'aide de petits coups secs et precis des mollets et des talons. L'elephant quitte alors la piste, pour deplacer de massifs blocs de roche au moyen de sa trompe et de ses pieds, avec une intelligence surprenante. Nous ne pouvons detacher notre regard de ce crane gigantesque et bossele, d'ou nous fixent de petits yeux noirs, d'un air presque craintif . La fascination nous envahit face a ce principe de domestication, ou un animal de cette force est mis au travail par un petit homme maigrichon, alors qu'il pourrait facilement l'ecraser comme un vulgaire moustique...
Plus tard, dans le village, a la recherche d'un endroit ou dormir, nous rencontrons par hasard Massimo et Ohn. Dans ce bled perdu, ou il est rare de rencontrer des touristes, Massimo, italien, ne passe pas inapercu. Son epouse est Lao et parle italien couramment elle aussi. Apres a peine quelques mots, le courant passe tres vite entre nous. Ils nous expliquent qu'ils sont en train de monter un projet d'ecolodge a la lisiere du village. A notre surprise, ils nous proposent assez rapidement de loger chez eux, au lodge, pour un "prezzo politico" vu les travaux en cours. Ravis, nous leur emboitons le pas.
L'ecolodge est un petit bijou. Dans un cadre propice a l'observation des animaux, Massimo et Ohn ont erige une serie de superbes bungalows en bois, dont la perfection temoigne d'un certain standing. Nous sommes assez emballes par le projet.
Le soir tombe et nos amis nous annoncent qu'ils vont partir pour un village voisin, ou se fetent les 30 ans du Pathet Lao (le Parti Communiste Lao, au pouvoir depuis la fin de la guerre du Vietnam), justement ce soir. Pour eux, il s'agit avant tout de se montrer et de faire du relationnel avec les autorites locales. Ils nous demandent si nous sommes interesses et nous sautons sur l'occasion.
La fete ressemble a une grande fete foraine, sans les attractions: une grande plaine remplie de gens venus de tous les villages environnants pour s'amuser. Trois grandes scenes, arborant la banniere rouge "faucille et marteau" ainsi que le drapeau Lao, se partagent l'attention des badeaux. Sur la premiere, un chanteur traditionnel et des danseuses en costume a paillettes, interpretent des chants et des danses locales. Ohn, amusee, nous traduit les paroles d'une de ces chansons: elle raconte l'amour impossible d'une jeune Lao pour un falang (etranger) aux cheveux blonds. Ohn se marre parce que Chris, qui correspond au personnage, depasse tout le monde de deux tetes et est devisages par tous... Sur une autre scene, une groupe de pop-rock lao fait danser les jeunes et les moins jeunes, qui se dehanchent et pietinnent la poussiere, qui s'eleve au-dessus de leurs tetes.
Apres avoir devalise une echoppe de sculptures en bois et avoir ete remercie a plusieurs reprises, avec effusion et godets de lao lao (alcool fort local), Massimo rencontre un responsable de la police du district, qui invite tutti quanti a manger chez lui, a deux pas de la. Il habite une grande maison en bois sur pilotis, typiquement lao, ou logent un nombre incroyable de personnes. Nous sommes desormais accoutumes a nous assoir par terre, le long d'une interminable enfilade de petits bols fumants. Les paniers contenant le riz collant et le lao lao sont bien sur au rendez-vous.
Apres le diner, nous retournons a la fete, ou toute notre petite troupe, maintenant gonflee de la famille du policier, s'installe en bordure de la piste de danse pour boire un verre et saluer les amis. C'est l'occasion de discuter un peu avec Massimo, qui nous parle du lodge, du Laos et de ses habitants.
Ainsi, il nous explique que son projet tente de s'integrer au maximum a son environnement, en engageant des gens du village pour la construction du lodge, par exemple. Cependant, dit Massimo, ce n'est pas evident de travailler avec eux, car ils n'ont aucune notion d'entreprise, de projet ou de long terme. Vivant au jour le jour, il n'est donc pas rare que les ouvriers ne viennent pas travailler, simplement parce qu'ils n'en ont pas envie. D'ailleurs, Massimo nous predit que ses ouvriers ne viendront pas au lodge le lendemain de la fete, alors qu'ils lui assurent le contraire... ce qui se confirmera effectivement par la suite. Eh oui, c'est ici que la mentalite du "lacher prise", chere aux Laos, et qui nous seduit tellement, pose quelques petits problemes. Massimo nous expose aussi la defiance toute lao face aux activites intellectuelles, en tout cas dans les campagnes, ou l'on a pitie des gens qui "pensent trop". Effectivement, "lacher prise" et "prise de tete" ne font pas bon menage!
Vers minuit, nous reprenons la direction du village, a l'arriere du pick-up, plus charge que jamais de personnes et d'objets ramenes de la fete. Dans la pale clarte lunaire, une statue de femme a genoux, les mains jointes en signe de salut, semble etre l'une des notres, presque dotee d'une vie propre.
Le lendemain, nous sommes reveilles par les premieres lueurs du jour et un soleil rouge se leve peu a peu au-dessus des brumes rosees du petit matin. Une cinquantaine de buffles d'eau paissent dans les marecages, une multitude d'aigrettes blanches perchees sur leurs dos. Dans le lointain, un elephant expose quelques instant sa silhouette massive a notre regard emerveille par la vie de l'aube.
Apres avoir pris conge de Massimo et Ohn, nous partons pour une ballade de quelques heures a dos d'elephant, jusqu'au sommet du mont Phu Asa, ou l'on peut encore observer un etrange site encadre de monticules de pierres, au beau milieu de la jungle. Perches dans une nacelle d'osier, nous pouvons palper a loisir cette peau grise, epaisse et souple a la fois, parsemee de poils noirs et drus. Nous voici berces au rythme de la majestueuse nonchalance elephantesque. Mythique!
Sur le chemin du retour vers Pakse, nous faisons un detour vers le temple de Wat Phu Champassak. Pour le rejoindre, il nous faut traverser le Mekong, qui atteint a cet endroit une largeur impressionnante. Nous embarquons donc sur le bac prevu a cet effet: un plancher sommaire depose en travers de trois pirogues. Voila qui evoque irresistiblement le Radeau de la Meduse! N'ecoutant que notre courage, nous poussons notre mobilette sur ce frele esquif, qui supporte deja le poid de deux 4x4 et d'un minibus.
Le charme, voire la magie, de Wat Phu Champassak reside dans ses escaliers pris en otages par la vegetation, ces amas de pierres taillees qui gondolent au fil des siecles, ces frangipaniers majestueux, dont les racines soulevent les marches menant au temple et rendent ainsi cette ascension presque hallucinatoire.
Au retour vers Pakse, apres la traversee du Mekong en sens inverse, la nuit tombe soudain, pour nous reveler la deficience totale de nos phares. Sacrebleu! Et comme notre klaxon est lui aussi completement asthmatique, nous nous inquietons quelque peu des conditions de notre retour: il nous reste environ trente kilometres de route, sans aucune forme d'eclairage et, au vu de la course d'obstacle que represente un tel trajet de jour, cela risque de ne pas etre "piece of cake"... Apres avoir evite de justesse un chien et deux buffles dans une obscurite presque complete ( la lune nous boude ce soir) - et, du coup, avoir pris quelques poils gris dans la barbe - , nous emboitons la roue a un velomoteur qui nous depasse, bien decides a ne pas le lacher d'un pneu et a profiter de son phare. Le trajet est epique, crispant, glacial, epuisant, mais nous arrivons finalement a Pakse, dans un etat second, les nerfs a vif, remerciant notre bonne etoile et jurant, mais un peu tard, que l'on ne nous y reprendrait plus!!!

Rock around the Christmas Tree:
A quoi peut bien ressembler un Noel dans une contree ou le mot meme n'a pas de signification pour la grande majorite des gens, vous direz-nous. En prime time, nous vous devoilons donc les quelques ingredients de la fete de Noel que nous avons vecue, a des milliers de kilometres de la Belgique, de l'Ecosse et des Etats-Unis mais tellement proches en pensees de nos familles.
Tout d'abord, nous sommes chanceux puisque nous denichons une petite eglise catholique a Pakse, vestige de la periode indochinoise. Dans un style franco-colonial, tres simple, entouree de palmiers, elle est, ce soir-la, toute illuminee de lampions, guirlandes et bougies. Toute la petite communaute chretienne des environs s'y rassemble afin de feter la naissance du petit Jesus. Nous nous joignons donc a eux pour une messe tres bon-enfant avec ses chants joyeux, parmi lesquels nous reconnaissons le "Douce Nuit", en Lao bien sur.
De retour a l'hotel, tenu par un Francais, un buffet de Noel nous attend, ou la dinde trone a cote des nems, du poulet satay et du riz cantonnais. Les chanteurs laos chauffent l'ambiance et invitent bientot les convives a se lever pour danser autour du sapin! Tant qu'a faire, nous enthousiasmons la salle avec un petit rock endiable...;-)
En fait, tout ca est un peu decale, pas vraiment anachronique (puisque nous sommes a la bonne date!), mais "anageographique"... Peu importe, le desir de se rejouir est la et nous profitons pleinement de cette soiree etrange mais franchement drole, sympa, rejouissante. Nous nous souviendrons de ce Noel presque extraterrestre au Laos.

Il y aurait encore beaucoup a dire sur le Laos, mais le temps nous manque cruellement! Cap sur le Cambodge, avec Douglas qui nous rejoint pour deux semaines de...fooolie!

Entamez bien l'annee 2006.
Take care!

Marianne et Chris

2 Comments:

At 22 janvier, 2006 15:23, Anonymous Anonyme said...

lancelot est impatient de revoir marène, gross kiss de nous tous

 
At 09 février, 2006 11:46, Anonymous Anonyme said...

C'est super de vous lire, on a l'impression d'y être. Bravo! Quand aurons-nous l'occasion de vous revoir?
Viviane

 

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