dimanche, septembre 25, 2005

Yarkand - Karghilik - Hotan - Turfan - Dunhuang

Salam aleikum!

De Yarkand a Hotan, en passant par Karghilik, nous nous enfoncons progressivement dans les contrees desertiques de la route meridionale de la soie. Ensuite, nous remontons a travers les dunes du redoutable desert du Taklamakan, pour rejoindre la route septentrionale de la soie, de Turfan a Dunhuang, dans le Gansu.
Ces quinze derniers jours, nous ne sommes pas epargnes par le marchand de sable, dont les petits grains nous accompagnent desormais affectueusement. Nous poursuivront-ils jusqu'en Nouvelle Zelande?

A bord des vaisseaux du desert:
Si les bus ont aujourd'hui remplace les chameaux, les distances parcourues dans ces contrees reculees n'en restent pas moins impressionantes et la route est une experience en soi. Au fil des kilometres, le desert devoile ses multiples facettes: plaines lunaires, cailloux, petites plantes opiniatres, dunes de sable fin ou formations geologiques surprenantes jalonnent un paysage qui varie sans cesse. Le trajet est ponctue d'oasis, qui apparaissent tels des mirages a l'horizon. Le sol se couvre de verdure, les peupliers s'elevent a nouveau pour ombrager de rudimentaires habitations de torchis. L'eau semble y couler a flots: il suffit d'une riviere et le sol est detrempe. A peine avons nous traverse l'oasis et salue ses habitants, que le desert reprend ses droits.
Les trajets effectues, qui se mesurent en milliers de bornes, sont riches en rencontres et en peripeties, dont voici deux exemples:
- ... et bardaf, c'est l'embardee!
Malgre la chaleur accablante du desert, les sueurs froides sont frequentes. Au depart, entre Karghilik et Hotan, nous etions en pleine confiance: notre chauffeur faisait preuve d'un tacte rare (il faut dire qu'il avait six doigts a la main droite, ce qui nous garantissait un changement de vitesse en douceur). Le drame se noue au moment ou son coequipier prend le volant: nous avions deja surnomme ce colosse Brutus, pour sa propansion a saisir les passagers par le col au moment de les faire monter dans le bus.
Il ne lui faut pas un quart d'heure pour entamer un depassement aussi idiot que suicidaire, puisque le camion concerne est en train de deboiter et nous pousse dans le fosse qui longe la route. Le bus bascule perilleusement sur le cote, jusqu'a s'immobiliser dans cette position precaire. Panique a bord! Les passagers se precipitent pour sortir. Brutus essaie de retablir la situation, mais, oh surprise, ne reussit qu'a s'ensabler un peu plus. Nous voici en plein milieu du desert a deux heures de l'apres-midi, sous un soleil de plomb, en train de compter nos bouteilles d'eau. Si certains s'affairent autour des roues sous la direction de l'homme a six doigts (Chris ne comprend pas toujours ses directives, ne sachant plus a quel doigt se vouer...), d'autres cherchent l'ouest et se mettent a prier, a genoux dans le sable.
Finalement, apres plusieurs tentatives et un long suspens, le bus se degage, grace aux efforts conjugues. Nous y remontons, soulages, du sable plein les dents, trop heureux de ne pas avoir fait les frais de la dangereuse seduction du desert.
- Diables d'ambassadeurs!
Au cours d'un autre trajet, nous faisons la connaissance de Kong Wei (litteralement "Wonderful Health"), jeune militaire du Xinjiang, qui s'emballe completement lorsqu'il apprend que nous sommes belges: "Mais oui", nous explique-t-il, "les Belges sont si honnetes, si passionnes, si energiques!". A ces mots, nous ne nous sentons plus de joie et ouvrons un large bec, pour lui demander d'ou il tient ca. Kong Wei nous apprend alors qu'il suit le foot a la television et qu'il voue une admiration sans borne aux Diables Rouges... Nous nous demandons depuis quand il n'a plus regarde la tele! Comme quoi Marc Wilmots ferait mieux de revenir jouer au foot plutot que de faire de la politique. ;-)

Mysterieuses cites enfouies:
La route de la soie est parsemee de cites abandonnees aux sables du desert. Les raisons en sont multiples: certaines furent victimes de l'avancement progressif du Taklamakan et du deplacement des rivieres (seules sources d'eau et de vie dans ces contrees). D'autres furent quittees dans la precipitation, parce qu'elles se trouvaient sur le chemin de debordements fluviaux, ou parce qu'elles furent mises a sac par des envahisseurs.
Deux d'entre elles nous ont fascines.
- Melikawat
Au sud de Hotan, aux pieds du massif des Kunlun, le desert s'etend sur une region autrefois boisee. Aujoud'hui, il ne reste que quelque murs de l'ancienne cite de Melikawat. Nous parcourons le site, suspendus aux levres de notre guide, Abdulkarim, qui s'avere etre une mine d'informations. Incroyable: sur ce site mineur, neglige des archeologues et des touristes, nous nous promenons les yeux au sol et trouvons d'anciennes anses de jares, ainsi que des morceaux de pieces de monnaie en cuivre, dont certaines pourraient dater de la dynastie Han, c'est-a-dire d'il y a plus de deux mille ans. Nous voici dans un reve d'archeologue amateur. Meme si ces debris n'ont pas assez de valeur pour les musees, pour nous, ce sont autant de tresors.
- Jiaohe
Au sud de Turfan, la ville de Jiaohe se dressait autrefois sur un site imprenable: imaginez un plateau aride delimite par deux profonds canyons, ou se deploie une vegetation luxuriante qui, vue d'en haut, evoque le jardin d'Eden, perdu dans le desert.
Mieux conservee que Melikawat, Jiaohe est peut-etre comparable a Pompei. En deambulant dans les ruelles a moitie ensablees de cette ville morte, nous imaginons avec peine que des enfants ont couru ici, que des marchands se sont salues gaiement ou que des comeres ont echange les dernieres nouvelles. Est-ce encore une ville? Ou plutot une foret de terre glaise, qui se dresse comme autant de moignons d'habitations. Voici Jiaohe rendue a la nature, a sa force, a son mystere. Ici vivent maintenant lezards, araignees, scarabees, entre ces stalagmites d'argile, insolites. Seuls de tout petits Bouddhas, installes dans ce qui devait etre un temple fastueux, ont survecu, temoins d'une activite humaine et spirituelle dans ce lieu reduit au silence.
Que restera-t-il de nos cites dans deux mille ans?

Sauts de dune interdits:
Au sud de Dunhuang, de gigantesques dunes, de plus de cent metres de haut, surplombent les oasis environnantes. Un soir, au soleil tombant, nous nous ecartons des sentiers battus pour gravir l'une d'entre elles. L'effort physique est intense, tant les sables sont mouvants. Nous atteignons la crete, que nous longeons vers le sommet. Cette dune est extraordinairement haute et raide. Il s'agit d'avoir le pied sur. Le flanc de la dune est soyeux et brillant comme une peau mordoree. L'arete, contrastee entre ombre et lumiere, est tranchante comme la lame d'un poignard ouighour. Du sable s'ecoule silencieusement sous nos pas, de la crete jusqu'en bas. La, a la limite des dunes, se deploie une frontiere presque surreelle, au-dela de laquelle s'etend tout un petit monde: champs, peupliers, riviere boueuse, bergers et moutons, aboiements vesperaux. Dans la quietude du soir, nous savourons un coucher de soleil en amoureux.
Plus tard, profitant des dernieres lueurs du crepuscule, nous descendons de la dune et, sur le chemin du retour, nous croisons les chameaux trottinant de leur pas dansant vers le bercail.

Quelques breves:
- Het ouighour Delta Plan:
Les Ouighours luttent contre le desert comme les Hollandais contre la mer: chaque terrain fertilise, chaque arbre plante, chaque canalisation creusee est une nouvelle avancee, une nouvelle victoire.
- La barbe!
La barbe de Chris pousse de plus en plus... ainsi que sa moustache. Nous n'y avions jamais pense avant, mais une moustache se taille! Sans cela, Chris se retrouve rapidement avec un formidable rideau de poils drus devant la bouche. Pourtant, il hesite a couper cet outil high-tech ideal pour separer les piments des nouilles. Bonjour la face de morse!
- La barbe II: Le retour de la barbe:
En parlant de face de morse... Chris commence a faire regulierement peur aux petits enfants (veridique! et franchement drole).
- La barbe III: Le retour de la vengeance de la barbe:
Grace aux cours d'Italien a Marie Haps, Chris a une carte d'etudiant, qui s'avere bien utile sur les sites culturels. Il y a trois mois, sa photo correspondait parfaitement, mais, depuis quelques temps, certains problemes de credibilite se posent... Comme le jour ou il nous est impossible de convaincre le guichetier que Chris est reellement le type sur la photo. Le gaillard commence par se facher, puis, comme nous insistons, il eclate de rire en montrant du doigt la barbe a ses collegues. Hilarite generale. En fin de comptes, ca les fait tellement rire qu'il nous accorde la reduction! Limite vexant, non?
- Cuisine locale, trucs et astuces:
Vos brochettes sont trop pimentees? Pas de probleme: il suffit de les passer sous l'eau, puis de les inonder de curry, avant de les (re-)surcramer au bbq... De toute facon, plus rien n'a d'importance lorsque l'on a goute au delicieux vin liquoreux de Turfan.
- Les rois du camouflage:
Un soir, dans un restaurant, la serveuse refuse de croire que nous sommes belges: ca se voit comme le nez au milieu de la figure que nous sommes Ouzbeks! Allez, zeg, c'est bon pour une fois, hein.

Treve de blogs, nous partons pour une cure de lait de Yak chez les Goloks, dans l'Amdo, ou Ancien Tibet...

Salut en de kost!

Marianne et Chris

2 Comments:

At 05 octobre, 2005 15:19, Anonymous Anonyme said...

Je comprends bien qu'à l'autre bout ... mais non, que dis-je, vous vous êtes méchamment rapprochés de nous ces dernières semaines ! .;. donc quelque part à l'est (de nous mais à l'ouest de Pékin) , vous ayez des soucis pour suivre l'actualité trépidante de la Belgique. Sachez néanmoins que Marc Wilmots ne fait plus de politique ....
Bisous de Facqueval

 
At 09 octobre, 2005 23:03, Anonymous Anonyme said...

les commentaires de votre voyage sont très vivants et passionnants ! on vous suit à la trace ! et attendons avec impatience chaque nouvel épisode !
vous vivez un périple formidable ! carpe diem ! et un grand merci de nous le faire partager au coin du feu !
Anita, AnaÎs et Bérénice

 

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