mercredi, décembre 28, 2005

Hekou - Lao Cai - Bac Ha - Hanoi - Halong - Tam Coc - Hanoi

Gooood Morning Vietnaaam!

En quatre mois en Chine, nous nous etions constitue un bon petit kit de survie, compose d'un petit vocabulaire bien huile et de reflexes culturels hautement entraines. L'arrivee au Vietnam est d'abord une totale remise a zero: a peine passe la frontiere a Lao Cai, nous sommes d'emblee mis en difficulte devant un menu vietnamien et presque incapables de commander autre chose que du riz blanc! Heureusement pour nous, l'anglais est maitrise par un plus grand nombre de personnes qu'en Chine et, au final, le Vietnam s'avere plus confortable que prevu. L'infrastructure touristique est en fait beaucoup plus developpee ici et nous decidons d'en abuser, vu la courte duree de notre sejour.
Voici maintenant quelques breves relatant cette traversee du Nord du Vietnam.

Flower Power:
Le dimanche est jour de marche dans la petite bourgade de Bac Ha, a quelques dizaines de kilometres de la frontiere sino-vietnamienne. Etant dans les parages, nous decidons de nous y rendre afin de prendre le poul de cette region montagneuse. Rapidement, nous nous retrouvons au beau milieu d'un marche haut en couleurs. Outre les viandes et legumes habituels, nous y decouvrons, entre autres, du tabac, vendu par kilos entiers, des buffles d'eau, des porcs, ficeles comme des gigots, ou de jeunes chiots, futurs chiens de combat qui, pour l'instant, freinent des quattre pattes, terrorises. Une quantite non negligeable de produits artisanaux s'etale aussi sous nos yeux: c'est un chatoiement de cotons, de broderies, de foulards, de tissus et d'extravagantes boucles d'oreille. Ce sont toutefois les costumes des H'mongs Fleuris qui nous etourdissent veritablement. Descendus des villages environnants, ces "montagnards", commes les appellaient les Francais de l'Indochine, deferlent en masse. Les femmes, surtout, sont stupefiantes: petites, elles portent les costumes les plus colores que nous ayons vu jusqu'a ce jour. Un foulard epais sur les cheveux, de style "tartan", soit vert pomme, soit fuschia, soit bleu turquoise, le cou et les epaules recouverts d'une sorte de bavette brodee de mille lignes colorees, ainsi que de motifs a fleurs ou geometriques. Les memes dessins sont repris sur les avant-bras, de meme que sur une ample jupe plissee, qui s'arrete aux genoux. Enfin, des jambieres du meme tonneau s'enroulent autour des mollets. Un tourbillon de motifs et de couleurs, qui nous brouille presque la vue et nous oblige a nous raccrocher a leurs sourires.

Hanoi, la foisonnante:
Notre premiere sortie dans Hanoi nous emporte dans un monde a part. La circulation, tout d'abord, nous apparait comme folle: un flot de mobilettes klaxonnantes se faufile entre les pauvres pietons qui tentent en vain de traverser - meme Moise en perdrait son hebreu. Des gens partout, une agitation de ruche industrieuse, un bruit de fond permanent. Hanoi est grisante, rejouissante, affolante. Une sorte de joyeuse frenesie, enthousiaste, regne ici. Par contraste, des groupes d'habitants sont assis sur le seuil de leurs maisons ou de leurs commerces, devisant autour d'un wok ou d'une friture, paisibles, a peine perturbes par le chaos environnant. Les rues, surbondees, sont poussiereuses, asymetriques, bordees de facades qui se reclament autant de la tradition vietnamienne que de l'architecture coloniale francaise (persiennes, balcons, arches, colonnes...). Un charme certain. Et puis, partout, ces silhouettes qui font la signature du Vietnam: un chapeau conique, une ample chemise claire, un large pantalon noir, et une perche sur l'epaule, aux extremites de laquelle, en equilibre, se balancent deux plateaux d'osier, lourdement charges de denrees locales.
Un soir, nous sommes litteralement emportes dans une maree humaine delirante, un deluge de drapeaux vietnamien, l'etoile jaune sur fond rouge. Dans la liesse generale, la circulation est completement immobilisee. Que se passe-t-il donc? Nous comprenons rapidement que l'equipe de football vietnamienne vient de gagner contre la Malaysie. Les rejouissances dureront toute la nuit! Ici, plus que partout ailleurs, le football est roi.
Last but not least, un matin, nous retrouvons avec emotion un cafe-croissant "comme a la maison", sequelle sympathique du colonialisme francais.

Mysterieuse Halong:
Que c'est beau. Au ras de l'eau, nous penetrons dans la baie, ou s'elevent ces improbables geants de pierres et de roches. Comment rendre l'impression de petitesse, de stupeur et d'admiration ressentie au coeur d'un tel site? La baie fouette l'imagination, elle emballe, elle reveille tous les pirates de l'enfance, en meme temps qu'elle impose le silence et appelle a la contemplation pure et simple, medusee, charmee. Nous sommes heureux d'avoir vu cet endroit hors du commun, d'ou se degage une fascination tranquille, amicale, certaine. Il est possible de voir la baie d'Halong sur d'innombrables cliches, sans etre jamais prepare a sa decouverte.
Ces moments magiques sont dignes d'etre celebres et, le soir, Fritz, un Allemand qui partage notre jonque pour la nuit, nous propose genereusement un Cohiba, dont les volutes s'elevent doucement le long des pains de sucre, vers le firmament.

Un tour du monde virtuel:
Meme si nous ne voyageons qu'en Asie, notre periple prend des allures de tour du monde, grace aux multiples rencontres effectuees en chemin. En effet, les backpackers que nous croisons nous offrent non seulement leur amitie, mais aussi une fenetre ouverte sur leurs mondes a eux. Passionnant! Un tout grand merci a vous tous et bon vent sur vos routes respectives!

Le Vietnam est decidement une destination riche et complexe, qui nous a d'ores et deja donne envie d'y revenir et de lui consacrer plus de temps.

L'heure tourne, et de plus en plus vite, semble-t-il. Nous reendossons donc nos sacs, pour prendre la direction du Laos, le pays ou, parait-il, l'on ecoute le riz pousser... Coooool (Marianne contente!).

Joyeux Noel et une excellente annee 2006 a tous!

Marianne et Chris

jeudi, décembre 08, 2005

Kunming - Jinghong - Xiding - Zhanglan - Manwa - Bada - Daluo - Jinghong - Kunming - Hekou

Biu g'no!

Avant de quitter definitivement la Chine, nous n'avons pas resiste a la tentation de faire un tour au Xishuangbanna, une region frontaliere au sud du Yunnan, entouree du Myanmar, du Laos et du Vietnam. Cette zone du Sud-Est asiatique est habitee par une cinquantaine de minorites ethniques et, rien qu'au "Banna", on en compte une douzaine.
L'ethnie majoritaire est celle des Dais, de la famille des Thais (a ne pas confondre avec les Bais, les Tays ou les Thays!). Le dai fut longtemps utilise par les minorites du Banna pour se comprendre entre elles. Actuellement, le chinois, en tant que langue officielle enseignee dans les ecoles, a repris cette fonction essentielle de langue unificatrice. Apparemment, ce changement recent pose certains problemes, puisque, entre differents villages, les jeunes gens ne parlent plus necessairement la langue des grands-peres, qui, eux, n'ont pas appris le chinois.
Suite a la rencontre d'Ainipa, un guide appartenant a l'ethnie Bulang, nous avons decide de consacrer quatre jours a la decouverte de sa minorite vivant dans les montagnes, de part et d'autre de la frontiere sino-birmane.

Au pays des Bulangs

Ainipa nous propose de faire une randonnee de quatre jours pour rejoindre les differents villages isoles de la region, car ils ne sont, pour la plupart, accessibles qu'a pieds. Se joint aussi a notre expedition Dong Li, jeune guide en formation, qui, elle, appartient a l'ethnie Hani, presente elle aussi dans les environs. Nous avons tout de suite un excellent contact avec Ainipa et Dong Li, qui s'averent extremement sympathiques et joviaux!
Depuis que nous avons traverse le Tropic du Cancer entre Kunming et le Banna, la vegetation presente un visage nouveau, de la foret sub-tropicale aeree a la jungle tropicale humide. Durant le trek, nous nous plongeons dans un environnement parfois digne de "La Vallee des Bannis" de nos amis Spirou et Fantasio, tantot avec plaisir et curiosite, tantot avec crainte et fascination. Ici, la loi du plus fort prevaut meme pour la vegetation, qui peut s'averer franchement hostile. Regle numero un: ne jamais toucher une plante a laquelle vous n'avez pas ete presente! Le bambou geant,
par exemple, recele un poil a gratter particulierement irritant. Certains arbres sont couverts de micro-epines, invisibles pour l'oeil non excerce, mais qui gacheraient la journee de n'importe quel randonneur inaverti. D'autres affichent ouvertement des epines grosses comme le petit doigt. Enfin, la reputation du Ficus Etrangleur n'est plus a faire: ce veritable "killer tree" etouffe progressivement sa victime vegetale pour s'en repaitre.
Dans cette flore luxuriante, les araignees sont omnipresentes: a longueur de journee, nous nous faufilons parmi leurs innombrables toiles, gigantesques. Un exercice particulierement eprouvant pour les nerfs, il faut l'avouer. Chris reste souvent fascine par ces extraordinaires creatures, dont l'abdomen, gros comme le pouce, est generalement noir a pois rouges ou tigre de jaune. Ainipa tente de nous rassurer en nous expliquant qu'elles ne sont pas dangereuses et que, d'ailleurs, les Bulangs s'en regalent souvent en friture. Du coup, nous apprehendons quelque peu le repas du soir... Dans la jungle, les sangsues sont aussi a l'honneur, pour le plus grand degout de Marianne, qui ne peut detacher son regard de ses pieds, malgre les appels de Chris a admirer les beautes de l'enfer vert (Chris, enthousiaste: "Waaow, regarde ces lianes, tu as vu ces lianes?" ou bien: "... Incroyable! Un Bernard l'hermite dans la riviere!" - Marianne, un peu crispee: " Oui-oui, oui-oui. Tu viens?!"). Les moustiques, bien sur, sont toujours au rendez-vous, mais les serpents, pour une fois, se montrent discrets (dommage, parce que, chez les Bulangs, croiser l'un d'eux porte bonheur). La randonnee nous permet toutefois de contempler aussi de nombreuses merveilles: orchidees sauvages, oiseaux rouges vifs, jaunes ou
verts, mantes religieuses, phasmes baton, enormes scarabees, coleopteres rouges ou jaunes, splendides papillons, de toutes couleurs et de toutes tailles... ainsi que leurs chenilles.
A l'approche des villages, le paysage s'eclaircit et les cultures en terrasses remplacent la foret, comme autant d'escaliers vers le ciel, tailles dans la montagne. Les Bulangs y cultivent principalement du the, vert ou noir, du riz, ainsi que du mais, de la canne a sucre et du soja.
Le premier jour, non loin de l'un de ces villages, nous croisons un jeune moine bulang, avec qui Ainipa tente d'echanger quelques mots, non sans difficultes. Au vu de notre etonnement, il nous explique alors que, malgre l'appartenance a une meme ethnie, chaque village possede son propre dialecte, ce qui rend la communication particulierement ardue, meme entre proches voisins. Par exemple, "bonjour" se dit "biu ma" dans le premier village ou nous avons dormi, "biu ga an" dans celui d'Ainipa et "biu g'no" dans le dernier village traverse (a repeter lors d'un diner pour faire impression sur ses voisins ;-) ). En outre, le bulang n'est pas une langue ecrite, ce qui ne facilite pas son homogeneite (le dai est encore l'ecriture
de rigueur pour les textes religieux).
Si la communication orale n'est pas toujours des plus aisees, les Bulangs partagent en revanche un "langage des plantes" qui leur permet d'exprimer un certain nombre de sentiments ou d'idees plus ou moins complexes. Ainsi, laisser une orchidee (c'est-a-dire la plus belle fleur a leurs yeux) sur le pas de la porte d'une jeune fille signifie qu'on lui porte un tendre sentiment. Dans le cas ou la demoiselle accepte de parler a son soupirant, elle doit accrocher la fleur a son oreille le lendemain. Cependant, lui offrir une fleur de rododhendron lui signifiera qu'elle est trop vieille (pour le mariage, en l'occurrence). Laisser sur le chemin de quelqu'un une branche de telle fougere dont les feuilles sont particulierement etroites lui signifie "tu as un petit esprit!". Tel petit arbre chetif, qui ne grandit pas beaucoup, est synonyme de paresse; alors que telle autre plante aux multiples ramifications avertit le jeune homme qu' "elle en aime un autre" (c'est-a-dire qu'elle suit d'autres voies). Les exemples abondent... Passionnant!
Toutes les deux ou trois heures de marches, nous trouvons sur notre chemin de jolis abris destines a accueillir le voyageur harasse. Ce sont les fruits d'initiatives individuelles, car cette bonne action permettra a celui qui s'en acquitte d'obtenir un meilleur statut ou plus de chance dans une prochaine vie. De meme, aux abords des villages, certains erigent des abris miniatures afin que le dieu de passage puisse s'y reposer et, s'il s'y trouve bien, rester un peu, ce qui assurerait protection au village et a ses habitants. Ces pratiques refletent la parfaite integration des croyances animistes au Bouddhisme dans ces regions. Il s'agit ici du Bouddhisme
Theravada, c'est-a-dire du Petit Vehicule (ou de la Petite Charette, comme dirait Marianne ;-) ), contrairement a celui que nous avons appris a connaitre en Mongolie et en Chine (Mahayana ou Grand Vehicule). Quelques temples et pagodes parsement la region, avec leurs toits caracteristiques, tendus vers le ciel comme autant de degres (ou de vies successives) vers le Nirvana.
Le premier soir, le village ou nous allons loger nous apparait tout a coup, au detour du sentier. A flanc de colline, au beau milieu de la foret, les maisons se pressent les unes contre les autres, perchees sur de hauts pilotis. De la ou nous sommes, leurs beaux toits de tuile ou de chaume, decores d'orchidees et solidement charpentes, nous evoquent presque une colonie de triceratops paissant dans les brumes du soir - les gros pour les maisons et les petits pour les greniers a riz.
Nous nous faufilons entre les pilotis jusqu'a la maison de nos hotes. Dans chaque habitation, le "rez-de-chaussee" est ouvert a tous les vents et sert d'abri, la nuit, pour les porcs, les buffles d'eau et les poulets. Nous gravissons un solide escalier de bois qui mene a l'etage. Nous laissons nos chaussures a l'entree, comme le veut la coutume: ici, tout le monde se promene pieds nus, malgre des temperatures parfois fraiches le soir. L'etage se compose d'une seule et grande piece carree, toute en bois, au centre de laquelle reside le foyer: quelques buches et un trepied destine a supporter le wok familial. La piece est fort sombre, car, a notre etonnement, elle ne comporte aucune fenetre. Peu a peu, lorsque nos yeux se sont accoutumes a cette nouvelle ambiance, nous distinguons le reste du mobilier, qui se resume a deux commodes, deux petits bancs sommaires en bois et quelques ustensiles de cuisine. La suie recouvre tout le plafond: il n'y a pas de cheminee a proprement parler, mais seulement quelques rares ouvertures dans le toit. La lumiere emane donc d'une ouverture sur une terrasse adjacente, une plateforme de bambous instable, a ciel ouvert, qui fait office de "salle de bain": on y fait sa toilette (mais enroule dans un sarong, puisque tous les voisins ont vue sur la terrasse) a l'aide d'une bassine et d'une arrivee d'eau. C'est aussi l'endroit pour faire une vaisselle, etendre le linge ou papoter avec la voisine par dessus la rembarde de bambou. L'ensemble est veritablement spartiate.
Nos hotes sont a la fois adorables et fascinants: un couple age et leur fille, pas encore mariee. Lui, edente, maigre comme un coucou, le cuir tanne par le soleil, nous sourit de toutes ses gencives et des quelques rares chicots noirs qui lui restent. Il nous regarde avec bienveillance et, lorsqu'il parle, c'est d'une voix grave et posee, un peu granuleuse. Son epouse est un peu plus ronde. Elle rit souvent, comme dans un eclat irresistible. Elle se colore les dents en noir et porte un turban de la meme couleur, qui signale son age respectable. Ses oreilles sont deformees par de lourdes boucles d'oreille et presentent un trou d'au moins un centimetre de diametre. Ses lobes sont fascinants. Elle et sa fille revetent le costume traditionnel des Bulangs, comme toutes les autres femmes croisees dans le village: une jupe droite et un cache-coeur, tous deux noirs, bordes de galons colores, brodes avec une finesse remarquable. Ces costumes sont entierement realises par leurs soins, depuis le tissage des fibres de chanvre, jusqu'aux broderies, en passant par la teinture des tissus (cendre de bambous pour le noir et indigotier pour le bleu).
Le maitre de maison semble etre un sage du village: il maitrise l'ecriture dai et les villageois viennent le consulter pour connaitre les dates propices a l'achat de porcs, de poulets... mais aussi pour une celebration ou pour contrer une maladie. Dans ce dernier cas, tout le monde se rassemble, on sacrifie deux poulets, on ajoute quelques grains de riz sur la table, ainsi que de l'argent, puis un moine, qui assiste a la ceremonie, prononce des voeux de bonne chance et invoque le dieu de la maison pour la protection de ses occupants (autre exemple de l'integration de l'animisme au bouddhisme).
Le soir, quand la nuit tombe, ils allument des bougies et l'on se rassemble autour du feu pour rire et papoter. Ils posent des questions sur la vie des fermiers chez nous. Ils semblent incredules quand nous leur expliquons la specialisation en secteurs de production, alors que, eux, doivent couvrir tous leurs besoins. La conversation porte sur leurs activites agricoles, puis ils nous expliquent comment se repartissent les roles dans la famille: les taches agricoles sont generalement partagees dans le couple. Pour ce qui est de la maison, la femme s'occupe principalement de la cuisine et du menage au quotidien. L'homme, quant a lui, est charge de recevoir les invites et de faire la conversation. Il cuisine toutefois les jours de fete et pour des hotes de marque.
Ainipa et Dong Li nous preparent un succulent diner, au moyen d'un seul wok. Porc et navets, porc et oignons, porc et pommes de terres, petites boules vertes et ameres, ramassees en route et, bien sur, le riz: autant de petits bols fumant sur la table en osier, autour de laquelle nous nous rassemblons pour partager le repas. Ils s'emerveillent de ce que nous mangeons sans faire de bruit (merci Mamaaan!)...
La nuit, serres les uns contre les autres sur une large paillasse, nous entendons distinctement - et non sans une certaine apprehension - les rats courir sur le plancher. S'ajoutent les grognements de porcs qui s'activent juste en dessous de nous. Plus tard, Chris se reveille en sursaut, les orteils mordilles par un rat temeraire. Dong Li nous racontera plus tard que l'un d'eux s'est meme emmele dans ses longs cheveux!
Le lendemain matin, ce sont tous les coqs du village qui nous reveillent dans un concert assourdissant (dont certains n'ont apparemment pas compris qu'ils etaient censes chanter au lever du soleil et pas deux heures avant!).
<< Attention, la sequence suivante est deconseillee aux ames sensibles >>
Dans la foulee et encore un peu groggy, Chris se leve et s'ecarte du village, pour s'enfoncer dans les brumes matinales. En effet, les Bulangs ne disposent pas de toilettes chez eux et sont plus inspires par la foret que par la feuillee. La promenade dans cet environnement enchanteur s'avere plutot agreable. La solitude et le calme de l'aube s'annoncent propices. Cependant, apres quelques pas dans la foret, Chris a la ferme impression d'etre suivi par quelqu'un. Il se retourne donc, pour s'apercevoir qu'un enorme porc, au poil dru et noir, le fixe de son groin obstine. A cette vue, soulage, il poursuit son chemin a la recherche de l'endroit ideal. Pourtant, il lui faut bientot se rendre a l'evidence: l'animal le suit a la trace. Ne se laissant pas demonter pour si peu, Chris choisit de passer a l'offensive et de le pourchasser a coups de cailloux. Enfin un peu de repis. Lorsque Chris se releve, devinez qui est revenu aux premieres loges... C'est bien lui, c'est bien son air placide, ses petits yeux bigleux et son groin expressif. Il suffit alors que Chris s'ecarte de quelques pas pour que l'animal engloutisse gouluement le fruit de ses efforts. Beeerk! Tout s'eclaire: la poursuite etait bel et bien premeditee et voici pourquoi les sous-bois environnants sont si propres! Bref, la chaine alimentaire dans toute sa splendeur, qui, generalement, fascine, mais qui, aujourd'hui, degoute!
Durant cette seconde journee de marche, nous profitons des haltes pour discuter avec Ainipa et Dong Li des moeurs et coutumes bulangs, mais aussi des nouveaux doutes et questionnements des jeunes originaires de ces villages: beaucoup d'entre eux ne veulent plus travailler a la campagne, ou les conditions de vie sont particulierement rudes et dependantes du climat. La ville attire par son confort, mais aussi par la variete de son offre au quotidien. Les villages se vident donc progressivement de leurs jeunes, qui preferent tenter leur chance en ville - ou ils vivent de toute facon des les secondaires, puisque ce type d'enseignement ne se trouve pas dans les campagnes. Par ailleurs, nombre de jeunes Bulangs passent clandestinement en Thailande, qui offre de nombreuses opportunites d'emploi et des salaires plus eleves. Rares sont ceux qui reviennent un jour au village. Ainipa, lui, voudrait devenir guide-chauffeur, alors que Dong Li voudrait ouvrir un restaurant ou une guesthouse dans une grande ville comme Shanghai ou Beijing.
Le soir meme, nous sommes accueillis a bras ouverts dans la famille d'Ainipa. Son retour est comme une fete, et nombreux sont les voisins qui passent ce soir-la pour le voir, ainsi que les nouveaux venus. Deux jeunes moines, des meres avec leurs petits (Ainipa a ramene des vetements de la ville pour les petites filles), mais surtout, ce sont les grand-meres, toutes en costume bulang, qui se relayent au coin du feu pour nous pincer les joues. Pour l'une d'entre elles, nous sommes ses premiers "laowais" (etrangers blancs). C'est quelque chose, tout de meme...
La grand-mere maternelle d'Ainipa s'eprend de nous parce qu'elle a l'impression que nous nous aimons beaucoup (quelle drole d'idee! ;-)) - ce qui est plus rare chez eux, puisque la majorite des mariages sont arranges. Le baiju (alcool local dont l'effet socialisant fut deja conte a propos de l'Emei Shan) et les joints aidant, elle impose a chacun de nous un massage des plus vigoureux, avant de nous prier de nous resservir au moins trois fois de chaque plat et de nous mettre au lit de force, afin que nous prenions un repos bien merite. Sacre personnage!
Le troisieme jour, une etape plus facile etait prevue au programme, mais le sort en decide autrement, puisqu'une pluie diluvienne s'abat sur nous une grande partie de la journee, transformant les etroits sentiers en ruisseaux, en profonds bourbiers ou en veritables patinoires. Les buffles d'eau, parfaitement a l'aise dans ces conditions, nous narguent de leurs sourires beats. Le jeu en vaut pourtant la chandelle, car nous arrivons bientot dans un cadre charmant. Au beau milieu d'un ecrin de verdure tropicale, se love un etang couvert de lotus en fleurs. En son centre, se trouve une petite ile, ou se dresse une fine pagode doree, entouree de buissons de fleurs rouges. La legende bulang raconte que, il y a bien longtemps, un village s'etendait a cet endroit. Un jour, les villageois pourchasserent et tuerent un daim dore. Tous participerent a la chasse, ainsi qu'au banquet qui s'en suivit, sauf une femme et sa fille. Le lendemain matin, le village avait disparu sous les eaux, inonde, a l'exception de... la maison de ces deux misericordieuses. Depuis, sur le lieu de leur habitation, se dresse la belle pagode. L'etang est, parait-il, tres poissonneux, mais, a chaque fois qu'un Bulang y peche un poisson, il doit le presenter au temple bouddhiste. Les poissons seraient-ils les anciens villageois qui avaient sacrifie le daim dore? Nous aimons l'imaginer...
Ce dernier soir, les sourires et la generosite de nos hotes nous ravissent, une fois de plus. Leur maison est ouverte a tous, en toute simplicite. Les Bulangs nous auront donne une belle lecon de disponibilite.
Le quatrieme et dernier jour, ce fabuleux trek touche a sa fin, alors que nous longeons une crete qui nous offre une vue plongeante sur le Myanmar voisin, nous laissant reveurs...

Voila, nous avons succombe a l'envie de vous raconter notre derniere aventure chinoise...

Merci a vous tous qui nous laissez des commentaires, car nous avons a nouveau acces a notre blog et c'est un vrai plaisir de vous lire!

A peluche,

Ringo et Moise